Tribune - Nathalie Clère - Le Nouvel Obs - 8 mars 2024

Les bons résultats de la France, qui occupe la première place mondiale en termes de parité au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, occultent une réalité sur le terrain. Les TPE et PME représentent près de 99 % des entreprises françaises, pourtant le taux moyen de féminisation de leurs conseils d’administration n’atteint même pas les 20 %. Un quart de ces sociétés n’y font siéger aucune femme. Alors même que la gouvernance est, par définition, la partie prenante de l’entreprise la plus assujettie à une obligation d’exemplarité.

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APIA Est - 4 mars 2024

Introduction

Il n’existe aucune raison de penser que l’administrateur indépendant soit un surhomme. Donc, il doit commettre, de temps à autre, comme chacun, comme vous aussi, chef d’entreprise, des erreurs, dont pourtant nul ne parle, dont il n’est même pas politiquement correct de parler. Et pourtant ! L’objet de ces lignes, en évoquant quelques types d’échecs rencontrés par les administrateurs indépendants est de montrer combien on peut retirer d’enseignements positifs de ces expériences et, comment nous pouvons devenir meilleurs dans l’exercice de nos mandats, puisqu’il est avéré que nous apprenons plus de nos échecs que de nos succès. C’est même certainement en raison de notre forte expérience en termes de gouvernance que nous pouvons, chez APIA, d’une part identifier très tôt les risques d’erreurs d’appréciation, d’autre part en minimiser l’apparition et enfin en réduire les effets s’ils surviennent. Une leçon de modestie, un tribut payé à l’expérience, et finalement, une raison supplémentaire de faire confiance à APIA pour le choix d’un administrateur indépendant !.

Echec par … absence d’administrateur indépendant

Nous connaissons tous des entreprises, PME patrimoniales, start-ups, qui ne possèdent pas de conseil d’administration, ou de comité stratégique. Parfois, le Conseil existe formellement, il se tient physiquement, et joue le rôle chambre d’enregistrement, ou n’existe, dans sa forme la plus épurée, que sur le papier. Il nous arrive de connaître le dirigeant de l’entreprise. Et malgré tous nos efforts, nous n’avons pas réussi à le convaincre de l’intérêt que représenterait pour lui la présence à ses côtés d’un ou de plusieurs administrateurs indépendants.

Reconnaissons-le, nous pourrions parler d’échec. Manque de force de conviction ou absence d’arguments et de questionnements percutants de notre part, voire chez le dirigeant doute voilé et non levé quant à l’utilité de la fonction. Il invoquera de son côté le manque de temps, l’existence en interne de tous les ingrédients nécessaires à la prise de décision, le caractère spécifique de son entreprise, voire la confidentialité de ses opérations. Il protègera peut-être aussi sa liberté incontestée de décision, sa procrastination, voire le risque d’être remis en cause. Autant d’objections que nous connaissons bien, de notre côté, et qui nous apparaissent peu recevables, mais que nous aurons dans ce cas peiné à lever, ou que nous n’aurons pas contrées avec suffisamment de vigueur.

L’échec … par absence prendra toute sa dimension si l’entreprise se trouve en difficulté, conséquence d’une décision stratégique du dirigeant peu inspirée, de la non-identification d’un risque potentiel majeur qui se révèle, de failles dans les processus, dans le suivi etc. Et nous regretterons alors probablement de n’avoir pas suffisamment insisté. Les PME où il n’existe pas d’administrateur indépendant sont encore majoritaires en France, et c’est un des objectifs d’APIA de travailler à réduire leur nombre, précisément pour éviter ce genre de situation.

Pour ce premier cas de figure, retenons ici notre difficulté à toujours partager avec succès notre conviction intime de l’intérêt de l’administrateur indépendant au conseil des PME. Et le fait que nos compétences pourraient être plus largement utilisées qu’elles ne le sont. Défaut d’évangélisation, défaut de prospection, défaut de transformation. Défauts que nous pouvons corriger au quotidien, en parlant plus autour de nous de la fonction d’administrateur indépendant, de manière (encore) plus passionnée et convaincante, auprès de plus de personnes concernées, chefs d’entreprise et futurs administrateurs. Cette note, par son approche décalée, transparente et responsable, souhaite y contribuer.  

Echecs techniques. On en retiendra trois types. Le travail de l’administrateur (indépendant ou non) consiste à challenger le dirigeant, en lui posant des questions sur un projet ou sur son action, en ne mettant bien évidemment pas a priori ses compétences en doute, sans se substituer à lui dans l’opérationnel, ni lui dicter un comportement (où les questions de l’administrateur contiendraient alors déjà les réponses attendues). A ce titre, on relève les biais suivants :

Défaut de compétences. On traitera rapidement, puisque tombant sous le sens, des cas où le conseil ne réunit pas les compétences minimales nécessaires à sa tâche. Cela peut parfois être le cas dans les PME patrimoniales qui remontent à plusieurs générations, où les différentes branches de la famille délèguent des représentants pas nécessairement familiers des métiers de l’entreprise, des enjeux, des modes de fonctionnement du conseil. La réponse est ici simple : intégrez à votre conseil un administrateur (indépendant) choisi précisément pour les compétences dont vous avez besoin dans votre conseil. APIA peut vous accompagner dans la définition de la « fiche de compétences ». Et l’administrateur pourra ensuite très certainement professionnaliser la démarche du conseil, en faisant œuvre de pédagogie auprès de ses collègues « Oncle Albert et Tante Berthe », et les amener progressivement à reconsidérer la fonction du conseil et le rôle qu’ils peuvent y jouer. Avec un effet démultiplicateur positif.

Quantité, qualité et constance dans les questions posées. Elles peuvent influer significativement sur la teneur des débats, le traitement du sujet, et donc ses chances de succès ou risques d’échec. Nous sommes particulièrement sensibilisés à ces aspects chez APIA :

  • Poser trop de questions peut amener à se fourvoyer dans les détails, souvent opérationnels, à perdre la dimension stratégique, et amener à procrastiner parce qu’on n’a pas reçu les réponses à ses questions et qu’on imagine alors ne pouvoir se décider en connaissance de cause.
  • A l’inverse, ne pas poser assez de questions amène souvent à négliger des aspects importants, et donc à « oublier » des bonnes questions. Un exercice intéressant mené récemment au cours d’une autoformation APIA a montré que malgré la présence d’une douzaine d’administrateurs indépendants chevronnés, d’horizons, de compétences et de métiers très divers, des aspects encore significatifs du problème posé étaient demeurés dans l’ombre. C’est exactement ce genre d’exercice, auquel nous nous soumettons souvent chez APIA, qui permet d’éliminer progressivement les zones d’ombre.
  • Défaut de systématique. Une approche « dilettante » de la fonction d’administrateur peut aussi nuire à son efficacité : la nature des questions à poser est souvent très comparable d’un sujet à un autre. L’administrateur indépendant apprend de son côté à se constituer progressivement un cadre d’évaluation d’un projet, qui couvrira des aspects stratégiques, financiers, commerciaux, économiques, RH, RSE, juridiques, d’analyse du risque, d’envie du dirigeant et de son équipe de direction, etc. La constance dans les questions posées lui permet même de pouvoir évaluer des projets l’un par rapport à l’autre. Enfin, cette même constance est appliquée dans la vie du projet, qui, une fois lancé, est suivi régulièrement, et peut-être arrêté ou réorienté à temps grâce aux questions récurrentes de l’administrateur indépendant.

Echec par monoculture du conseil.

  • Le choix d’un administrateur indépendant s’appuie en général sur des compétences techniques dans un domaine que l’entreprise recherche (nouveau métier, développement d’une activité (service, export vers une zone donnée…), et/ou sur la concentration sur une fonction à dynamiser (e-commerce, logistique…)), et/ou sur une adéquation avec la culture d’entreprise, et enfin sur une similitude des profils des administrateurs entre eux, entre administrateurs et dirigeants, etc.
  • Ce dernier point peut se justifier par un désir d’efficacité et de de confort au quotidien, des profils comparables comprennent plus vite et à demi-mot une situation, et auront moins d’objections. Mais c’est ce dernier point qui est justement problématique : le conseil est précisément le lieu où toutes les questions et objections, et a priori aussi les plus saugrenues, doivent pourvoir s’exprimer en toute liberté.
  • Le phénomène peut prendre les formes les plus diverses : méfiance d’un dirigeant autodidacte contre des diplômés (de grandes écoles, en France), cooptation entre diplômés de ces écoles, voire vieil antagonisme entre formations techniques et commerciales… Le risque d’échec du conseil par monoculture et donc œillères est ici manifeste. L’administrateur pris individuellement n’est naturellement pour rien dans cette endogamie. En revanche, ce sont des points auxquels nous sommes sensibles chez APIA, notamment au moment de la définition d’un profil d’administrateur indépendant. Et la solution passe naturellement par une grande diversité des profils recrutés au conseil, voire par des formations ou des expériences délibérément décalées recherchées hors des métiers traditionnels de l’entreprise.

Pour ce second type d’échec, il existe heureusement des solutions immédiates et à portée de main : retenons l’importance de compétences variées portées par des femmes et des hommes d’horizons très diversifiés, et qui sauront trouver le juste milieu en termes de questionnement. Cette dernière compétence nous amène à évoquer un dernier type d’échec, lui franchement comportemental :

Le comportemental pris en défaut : Les carences évoquées ici tiennent avant tout à l’opinion que peuvent avoir les administrateurs de leur rôle dans la gouvernance de l’entreprise, dans le type de relation qu’ils développent avec leur environnement, et dans leur capacité à se remettre en cause, à faire preuve d’indépendance, de discernement et d’humilité. Nous parlons avant tout ici d’intelligence de situation. Retenons ici aussi trois phénomènes :

Méfiance et suspicion : le premier travers est certainement de placer les relations entre dirigeant et conseil, voire entre membres du conseil, sous le signe de la méfiance, du rapport de force, et de la suspicion d’intentions cachées. Autant il peut être extrêmement bénéfique de challenger positivement le dirigeant, autant une opposition larvée, systématique, campant sur des présomptions d’incompétence et d’inefficacité peut avoir des conséquences destructrices. Il appartient ici clairement au conseil, surtout nouvellement constitué (nouveau tour de table, par exemple avec un fonds d’investissement, transition générationnelle, intégration d’administrateurs indépendants) de créer les conditions d’une relation de confiance, de respect mutuel, voire de connivence implicite ou explicite. Un conseil qui ne se réunirait pas sous ces auspices serait essentiellement générateur de tensions, d’inefficacité et d’échec. Inutile d’ajouter que ces points sont inscrits très hauts dans nos préoccupations APIA d’administrateur indépendant, et que si ces conditions de fonctionnement ne devaient pas être durablement réunies, nous n’hésiterions pas à remettre en cause notre mandat, de notre propre chef.

Suivisme et couardise, des comportements certes humains, mais non de mise dans un conseil : ce deuxième aspect concerne les réactions que peut susciter une personnalité dominante, en tant que dirigeant comme en tant qu’administrateur d’ailleurs. La probabilité est alors forte que les questionnements complémentaires, voire les objections, ne soient simplement pas exprimés, et que le conseil perde ici aussi en efficacité. La tentation peut alors être grande chez la personnalité dominante de jouer de sa position pour imposer des décisions non discutées, et pour ses collègues de se réfugier dans une commodité facile d’acquiescement tacite. Les administrateurs à la frange de leur domaine de compétence, peu assurés en expression orale ou privilégiant leur confort personnel ne leur seront ici d’aucune aide. La solution, proposée là aussi dans cette autoformation APIA évoquée précédemment, consiste pour la personnalité dominante soucieuse d’une exemplarité des débats (ou à l’administrateur indépendant qui partage la même préoccupation), à réserver sa position et à suggérer à un de ses collègues de jouer l’avocat du diable, ce qui a logiquement pour conséquence d’ouvrir et d’animer le débat. Un enseignement précieux qui fait également partie des avantages des formations régulières et répétées dispensées par APIA.

Absence de remise en cause. Reconnaître l’inanité d’une décision est compliqué, surtout quand on a contribué à ce qu’elle soit prise. La simple erreur d’appréciation initiale peut ainsi se transformer en maintien au-delà des limites du supportable d’une décision erronée, et en échec aux conséquences potentiellement lourdes pour l’entreprise. Un conseil peut donc se retrouver face à la décision de « se renier » à quelques séances d’intervalle, et de reconnaître tacitement qu’il s’est trompé. L’échec peut ici être triple : dans sa forme bénigne, il consiste à faire la part du feu et abandonner dès constatation de l’erreur la réalisation de l’action. Dans une forme plus complexe, les outils de suivi de la décision n’ont pas été mis en place par le conseil, ou n’ont pas été analysés, et la prise de décision d’arrêter s’en trouvera retardée. Dans sa forme la plus grave, le refus de l’évidence, le déni, la prise en compte de facteurs idéologiques, émotionnels ou personnels feront s’enferrer l’entreprise au-delà du raisonnable. Là aussi, le rôle de l’administrateur indépendant peut être essentiel pour pointer le sujet, dépassionner les débats, faire preuve d’humilité et conserver en tête l’objectif ultime de pérennité de la personne morale de l’entreprise.

A conserver ici en mémoire : au-delà des décisions apparemment rationnelles, la manière de les amener, et de gérer les relations humaines dans cet écosystème fragile qu’est le conseil, joue un rôle également essentiel. Au-delà des savoir-faire, nous pratiquons avec assiduité chez APIA ce savoir-être qui permet au conseil de dépasser les blocages comportementaux.

Conclusion

On le voit, les causes d’échec au sein du conseil sont potentiellement nombreuses, la plupart du temps cumulatives, mais heureusement également la plupart du temps évitables. Elles exigent de l’administrateur indépendant d’être une personne complète, disposant de compétences techniques et humaines accomplies, de savoir-faire et savoir-être. Dans cette position, l’administrateur indépendant, moins intriqué dans le quotidien de l’entreprise, dans des problématiques de postures, et ne dépendant pas de son siège d’administrateur pour sa subsistance, dispose de nombreux atouts, non seulement pour appliquer les différentes parades aux échecs évoqués, mais aussi pour en diffuser les pratiques au sein du conseil. Sa formation continue, les échanges réguliers avec ses pairs, les mises en situation de cas concrets et vécus, la recherche des solutions les plus adaptées, lui donnent toutes les bases indispensables pour éviter la plupart des situations évoquées plus haut. Gageons donc que les échecs précédents qu’il lui aura été donné d’observer ou qu’il aura lui-même vécus lui donneront une sensibilité toute particulière à ces aspects, et lui permettront de les contrer avec efficacité. C’est en tout cas ce à quoi nous travaillons avec passion au quotidien ! Emmanuel Bonnet

UPE 13 - 20 Février 2024

Coup de projecteur sur l’association APIA Méditerranée, « Administrateurs Professionnels Indépendants Associés », avec Nathalie Thevenon Clere, présidente.

Sa vocation est de promouvoir et professionnaliser par des actions et des travaux collectifs la fonction d’administrateur indépendant. L’administrateur indépendant, au sein d’un conseil, veille au respect de l’intérêt social de l’entreprise et apporte aux dirigeants un accompagnement pour accélérer la croissance en encourageant la réflexion.

Crée en 2004 par et pour les chefs d’entreprise dans 8 régions en France, APIA c’est :
> 350 chefs d’entreprise,
un réseau professionnel de 350 Administrateurs Indépendants avec une solide formation pour répondre aux enjeux de transformation de l’entreprise,
> plus de 500 mandats en cours.

Sur notre territoire, 30 membres dirigeants d’APIA exercent dans des entreprises de toute taille et dans différents secteurs d’activité, et ont développé des compétences variées : opérations de cessions acquisitions, levées de fonds, gestion de crise, développement international, RSE entreprises à mission, gouvernance des entreprises familiales… APIA Méditerranée s’appuie aussi sur ses partenaires issus des métiers de l’audit, du droit, des ressources humaines et du « Private Equity ».

Dirigeants de PME et ETI, rejoignez APIA pour ouvrir votre gouvernance et accélérer votre développement !

Pourquoi cette question ne devrait plus en être une dans un environnement de plus en plus complexe.

C’est une question lancinante qui revient régulièrement lorsqu’un administrateur indépendant se présente à un entrepreneur de PME, voire TPE. Inévitablement, après avoir expliqué en quoi sa mission consiste, la discussion glisse sur l’intérêt que l’entrepreneur aurait à s’entourer d’un
administrateur indépendant.

Et ce qui paraît évident à un entrepreneur à la tête d’une structure suffisamment organisée pour lui permettre de s’extraire du quotidien l’est beaucoup moins pour de nombreux entrepreneurs happés par la gestion des urgences.

Ainsi, un administrateur indépendant peut être un atout précieux pour un entrepreneur, en lui apportant la sérénité pour lui-même, une caution morale pour les parties prenantes de l’entreprise et en donnant à cette dernière de la profondeur à son action afin de la pérenniser.

Un soutien au chef d’entreprise, gage de sérénité.
Soutien moral et conseil
Même s’il ne s’agit pas là de sa mission première, il est évident qu’un administrateur indépendant, par sa simple présence et par le fait qu’il ne soit pas intéressé financièrement par les résultats de l’entreprise, apporte un soutien. Il joue un rôle de capteur de stress et diffuseur de sérénité,
participant ainsi à briser la solitude du chef que connaissent bien des entrepreneurs et que tous ne sont pas prêts à affronter.

Expertise et expérience
Les administrateurs indépendants apportent souvent des années d’expérience et une expertise dans des domaines spécifiques (comme la finance, le marketing, ou la stratégie d’entreprise), ce qui peut être extrêmement utile pour un entrepreneur, en particulier dans les domaines où il pourrait manquer de compétences.

Le système de cooptation au sein d’APIA en est l’illustration : une expérience significative dans la direction est exigée pour prétendre rejoindre l’association. On ne se proclame pas Administrateur Indépendant après de longues études, on le devient après de nombreuses années d’expérience.

Des garanties apportées aux parties prenantes de l’entreprise, gage de liberté d’action.

Réseau élargi
Les administrateurs indépendants peuvent avoir un réseau étendu de contacts professionnels qui peuvent être utiles pour le développement des affaires, les partenariats stratégiques, le financement, etc.

Certes un administrateur va se focaliser sur l’entreprise mais par son intermédiaire, l’entrepreneur va bénéficier d’un réseau de compétences insoupçonnées. En effet, l’Administrateur Indépendant lui fera bénéficier non seulement de son réseau acquis dans le milieu professionnel mais aussi du réseau APIA (plus de 300 chefs d’entreprise) au sein duquel il y a fort à parier que de nombreuses questions trouveront des éléments de réponses.

Crédibilité et confiance
Un entrepreneur l’oublie trop souvent, a fortiori lorsque sa structure ne lui permet pas de se doter d’une cellule de communication : s’il maitrise son savoir-faire, il néglige de le faire savoir, engendrant une méfiance naturelle de la part de certaines parties-prenantes.

Or, ces parties prenantes sont parfois des parties prenantes importantes : actionnaires, investisseurs, banques ou même clients seront non seulement rassurés mais seront curieux de comprendre les raisons pour laquelle une PME s’est dotée d’un conseil d’administration. Autant d’opportunités s’ouvrent alors pour parler et échanger autour de l’entreprise, son métier, ses savoir-faire et, pourquoi pas, capter des moyens financiers nécessaires à sa croissance et son évolution.

Une hauteur de vue pour l’entreprise, gage de pérennité.

Perspective extérieure et objective
Comme l’Administrateur Indépendant n’est pas impliqué dans les opérations quotidiennes, il peut offrir une perspective fraîche et objective, aidant à identifier des problématiques ou des opportunités que l’entrepreneur pourrait ne pas voir. Il agit ainsi comme une vigie : hauteur de vue et absence de réaction épidermiques en font un gardien de la stratégie de long terme.

Gouvernance d’entreprise
Enfin, et c’est là la raison d’être de l’Administrateur Indépendant, celui-ci n’aura de cesse de favoriser dans un premier temps l’émergence d’une gouvernance puis d’une gouvernance adaptée et efficace au sein de la structure dont il aura la co-responsabilité.

Les Administrateurs Indépendants peuvent aider à mettre en place une bonne gouvernance d’entreprise (adaptée, dynamique, tournée vers la personne morale, pleinement indépendante), ce qui est crucial pour la croissance à long terme et la durabilité de l’entreprise. Il est notable que les PME sont souvent dépendantes de leur chef. Lorsque celui-ci se retire des affaires, il n’est pas rare que l’entreprise périclite. Or, un départ de dirigeant exige de l’anticipation.

Dans un domaine plus opérationnel, l’administrateur indépendant peut aider à identifier et à gérer les risques, en s’assurant que l’entreprise ne s’engage pas dans des activités qui pourraient lui être préjudiciables à long terme.

Ainsi, en se positionnant résolument du côté de la personne juridique de l’entreprise, un administrateur indépendant, permettra à celle-ci d’anticiper les différents obstacles susceptibles de nuire à sa pérennité.

Var Matin - 22 janvier 2024

Entretien de VAR MATIN avec Nathalie Clère, Présidente d’APIA Méditerranée.

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L'Agefi - 6 novembre 2023

Entretien de l’AGEFI avec Philippe Thomas, Président d’APIA.

Encore trop de PME et ETI ne sont pas préparées à cette étape
cruciale. L’association des Administrateurs professionnels
indépendants associés aide à conjurer la solitude du
dirigeant.

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Article est mis en ligne avec l’autorisation du CFC

Interview de Bertrand Rambaud, président de France Invest, réalisée par APIA Méditerranée, avec la collaboration de Cécile Serrus, entrepreneure, et d’Olivier Gillot, consultant en private equity et membres APIA

Représentant la majorité des sociétés de gestion actives du pays, France Invest a des objectifs ambitieux en vue de l’intégration d’administrateurs indépendants d’ici 2030.

Les conditions de l’ouverture de la gouvernance à des administrateurs indépendants dépendent des investissements. Les modifications structurelles d’une entreprise, dont l’ouverture du capital, exigent souvent l’intervention d’administrateurs indépendants pour apporter des compétences spécifiques. Reste à accorder l’indépendance de ce dernier avec les attentes du fonds. Les fonds expriment une volonté d’équilibre dans les gouvernances entre les intérêts des parties prenantes.

Moins impliqués dans les ajustements liés à l’investissement que dans le plan de développement convenu entre les actionnaires et le fonds, les administrateurs indépendants ont vocation à se concentrer sur les enjeux de transformation et de croissance, et l’alignement des intérêts entre l’actionnariat et les investisseurs financiers.

En cas de divergence, l’attente des fonds est audible : l’administrateur indépendant doit rester neutre, dans une position impartiale consistant à faciliter les échanges et contribuer à la création de valeur. En définitive, l’ouverture de la gouvernance à un administrateur indépendant n’a d’intérêt pour le fonds que si elle conduit à la réduction des risques.

  1. À quel moment recrute-t-on un administrateur indépendant dans la vie d’une entreprise qui ouvre son capital ?

Bertrand Rambaud : Ouvrir sa gouvernance à un administrateur indépendant n’a rien de systématique et je ferai la différence entre les opérations dans lesquelles les fonds ont des positions minoritaires ou majoritaires au capital des entreprises que nous accompagnons. Dans les premières, et dans le marché que nous adressons, le recours à des administrateurs indépendants demeure limité. Des administrateurs indépendants peuvent être nommés au cours de la vie de notre investissement et une compétence sectorielle, industrielle… sera le plus souvent recherchée. Dans le second cas, le recours à des administrateurs indépendants est plus systématique. Il se fait en général juste après l’investissement, généralement dans la période des 100 jours qui suit la prise de participation au cours de laquelle la gouvernance est mise en place.

Olivier Gillot : Lorsque le fonds et le dirigeant se sont mis d’accord dans le pacte d’actionnaire du recrutement d’un administrateur indépendant, le recrutement est effectué après l’ouverture du capital parce qu’au moment du closing de l’opération il y a d’autres priorités que de choisir l’administrateur indépendant. Bien que le plus tôt soit le mieux, en pratique, il faut la conjonction de la volonté du dirigeant, de l’accord du fonds et la disponibilité des deux pour entamer et mener le process de recrutement jusqu’à son terme. Chez APIA, le process de sélection structuré parmi nos 280 membres prend 3 mois environ.

Cécile Deleuze Serrus : Pour la PME Optimétrie que j’ai fondée et dirigée, à l’occasion de l’entrée au capital d’un fonds d’investissement pour accompagner un projet de croissance externe, nous avons construit une nouvelle gouvernance. Dans les Statuts, étaient prévus un Président et un Conseil de Surveillance. Pour les investisseurs, comme pour nous-mêmes, fondateurs, il est apparu souhaitable de faire participer des administrateurs indépendants à nos réflexions stratégiques au sein de ce conseil. Le choix de ces AI s’est fait en concertation sur notre proposition, en recherchant une diversité/complémentarité des profils.

  • Quels sont les évènements particuliers de la vie d’une entreprise (transmission familiale ou croissance externe) qui incitent à la désignation d’un administrateur indépendant ?

BR : Les évolutions structurantes d’une entreprise nécessitent souvent le recours à un administrateur indépendant. Je pense aux transmissions, aux croissances externes, aux besoins d’appuyer ou modifier une stratégie, aux enjeux ESG…. Ces administrateurs indépendants viennent appuyer les représentants des fonds qui sont également au conseil et les dirigeants, mais en apportant un regard différent avec des compétences et des expériences spécifiques.

OG : Par anticipation de modifications structurantes de l’entreprise ou de l’actionnariat, le dirigeant décide d’enrichir son conseil d’un administrateur indépendant qui aura comme boussole l’intérêt social avant tout intérêt partisan représentant une partie de l’actionnariat. C’est souvent une orientation nouvelle du plan de développement, comme un changement d’échelle ou le développement à l’international, qui motivent la décision de désignation d’un administrateur indépendant : APIA est notamment contacté par des sociétés deeptech dont les jeunes entrepreneurs envisagent favorablement l’apport d’un administrateur indépendant dans leur scale-up.

CDS : Ce sont effectivement aux moments des modifications structurantes de la vie d’une entreprise que se posent les questions de gouvernance. J’ajouterai que les conseils juridiques qu’apportent le cabinet d’avocat de l’entreprise sont tout à fait précieux pour organiser le travail commun au sein du Conseil d’Administration ou de Surveillance, entre les différents administrateurs et échanger sur sa composition et faire valoir l’intérêt d’un ou plusieurs administrateurs indépendants.

  • Au recrutement, quels seraient les attendus d’un fonds en matière de savoir-faire, savoir être, et d’expérience, d’un administrateur indépendant qui intègre le CA d’une entreprise ayant ouvert son capital ?

BR : Il n’y a pas de profil type. Mais je retiendrai une dimension complémentaire par rapport à celle des dirigeants et des représentants des fonds. Et, en conséquence, nous privilégions une expérience très opérationnelle par rapport à une dimension financière, une culture de l’international, des process, parfois issus d’entreprises de taille plus importante pour apporter un autre regard. La démarche s’assimile à un recrutement et inclut par conséquence la dimension humaine, le sens du collectif, de l’écoute, le respect de l’actionnariat familial, la compréhension des enjeux propres aux fonds d’investissement. L’administrateur indépendant est par définition indépendant mais il ne peut pas s’extraire du contexte actionnarial dans lequel son mandat s’inscrit. Nous souhaitons également aller vers un meilleur équilibre de parité dans nos gouvernances.

OG : Une véritable indépendance vis-à-vis du dirigeant et du fonds est au cœur des débats entre le dirigeant et le fonds. L’expertise métier n’est pas jugée essentielle par APIA mais elle est souvent recherchée par le dirigeant, je pense à une participation dans le secteur des diagnostics énergétiques où l’expertise d’un administrateur indépendant venant d’une franchise leader de la transaction immobilière est précieuse.

Il est essentiel que l’administrateur indépendant ait une expérience passée de mandataire social et une formation au métier d’administrateur. Les 280 membres d’APIA sont recrutés selon ces critères et suivent une formation continue aux défis sans cesse renouvelés du monde économique.

  • Comment diffèrent ces attentes entre une petite et une grande entreprise, en matière de gouvernance ouverte ?

BR : Dans une petite entreprise, il y aura souvent un administrateur indépendant aux compétences assez larges et ouvertes. Dans une grande entreprise, la compétence plus spécifique pourra être plus recherchée et plusieurs administrateurs indépendants siègent parfois au même conseil.

CDS : Chez Optimétrie, les attentes concernant les administrateurs indépendants étaient de différentes natures à l’aune de leurs diverses expériences respectives.

  • Questionner les autres membres du Conseil sur des sujets sensibles : problématiques de succession, d’actionnariat, de croissance.
  • Obtenir une analyse et un retour parfaitement objectifs et sincères sur l’évolution de notre société et de sa stratégie.

OG : Dans les PME, le fonds est souvent le premier actionnaire qui ne fasse pas partie de la famille du dirigeant. La solitude du dirigeant est donc rompue par le représentant du fonds qui devient un interlocuteur incontournable, certes orienté finances, mais dont le point de vue est enrichi par son expérience dans d’autres participations. Dans ce contexte le dirigeant ne voit pas nécessairement l’intérêt d’ajouter un autre membre à son conseil. Et il existe d’autres freins à l’embauche d’un administrateur indépendant identifiés par une enquête menée cette année auprès des fonds de la région Sud (regroupés dans l’association Ambition Capital) : la valeur ajoutée d’un administrateur indépendant dans un conseil de PME n’est pas bien perçue par le dirigeant, et les fonds ont des priorités, comme la comptabilité verte ou le partage de la valeur. Et pourtant la contribution additionnelle d’un administrateur indépendant est forte sur ces sujets-là.

Dans les ETI en revanche, les enjeux de développement laissent la place à une réflexion stratégique structurée, où l’apport complémentaire du ou des administrateurs indépendants est mieux perçu.

  • Comment l’administrateur indépendant peut-il accorder les échéances, voire aligner les horizons de temps, entre les attentes du fonds d’investissement et celles de l’entreprise où il intervient et, plus largement, faciliter la relation entre les parties prenantes ?

BR : Quand un fonds prend une participation dans une entreprise, il aura, lors de la transaction, aligné l’horizon de temps de son investissement par rapport au plan de croissance de l’entreprise. Les fonds et entrepreneurs pourrons ajuster ensuite cet horizon de temps en fonction d’éléments exogènes ou endogènes. Il n’est donc pas demandé aux administrateurs indépendants d’intervenir sur ces enjeux de temporalité mais de s’inscrire dans le plan de développement qui aura été arrêté entre les actionnaires et le fonds. L’administrateur indépendant a une indépendance propre à sa position, et il peut avoir, lors de décisions difficiles, des visions différentes entre les parties, faciliter les échanges. Mais ce n’est pas son rôle essentiel : il doit avant tout se concentrer sur les enjeux de croissance ou de transformation de l’entreprise.

CDS : Il ne s’agit pas tant d’aligner les temporalités entre investisseurs et entrepreneurs que de faciliter la prise en compte des impératifs respectifs, qui peuvent parfois être divergents. L’administrateur indépendant peut faciliter le compromis et le consensus autour des différentes étapes capitalistiques mais aussi inciter à la formalisation des plans stratégiques et de succession.

OG : L’horizon de temps du fonds est à 5 ans, celui du dirigeant sa retraite., l’horizon de temps de l’administrateur indépendant s’aligne sur la vision du développement de l’entreprise. Dans les débats, l’administrateur indépendant profite de sa liberté de parole pour montrer comment ces différences d’horizon peuvent influencer voire fausser les points de vue. L’exemple type est celui d’un investissement lourd, que le fonds voudrait repousser après sa sortie pour ne pas alourdir l’endettement et donc minorer sa valeur de sortie.

  • Comment placer le curseur entre son obligation d’indépendance, l’intérêt du fonds, et les intérêts des autres parties prenantes ?

BR : Dans la plupart des cas, heureusement, les intérêts sont parfaitement alignés entre l’actionnaire familial et les investisseurs financiers. En cas de divergence de vue, ce n’est en général pas le rôle de l’administrateur indépendant de prendre position pour l’une des parties, sauf demande expresse des actionnaires. L’administrateur indépendant doit rester neutre, cela est sa mission.

OG : L’administrateur indépendant n’a comme seule ambition que de servir l’intérêt social. Ses avis et décisions ne doivent donc pas défendre les intérêts de tel ou tel actionnaire mais le développement de l’entreprise. Il est donc essentiel de définir dans le pacte d’actionnaires les décisions structurantes pour lesquelles l’avis ou le vote des administrateurs sont requis afin de préciser le rôle et le poids de l’administrateur indépendant dans la gouvernance.

  • En quoi l’administrateur indépendant peut-il réduire les risques pris par le fonds ?

CDS : Je ne formulerai pas les choses ainsi. L’administrateur indépendant s’appuie sur l’analyse des risques, au travers d’une cartographie dont il peut être le demandeur, afin de permettre une plus forte création de valeur pour l’entreprise en se servant de son objectivité, de son expérience, pour amener des décisions convergentes au sein du Conseil. Il participe à la réflexion collective, avec les autres administrateurs, en vue de la réduction de ces risques. Dans l’analyse des risques, l’administrateur indépendant est un interlocuteur précieux pour rendre cette cartographie exhaustive et objective.

BR : Tout ce qui contribue à l’intelligence collective au sein du fonctionnement d’une entreprise est facteur de réduction des risques. Challenger des orientations, proposer un autre regard ou un autre angle dans des débats structurants, partager une expérience sont autant d’enjeux de gouvernance importants pour l’entreprise comme pour ses partenaires financiers où le regard d’un administrateur indépendant peut jouer un rôle important.

OG : Les risques du fonds sont d’abord celui de l’entreprise, répertoriés dans la leur cartographie et à laquelle le Conseil se réfère, à savoir le risque environnemental, la concentration des clients, le risque géographique, l’importance de l’endettement, etc.

Au travers des relations directes et personnelles qu’il développe avec le dirigeant, l’administrateur indépendant peut détecter des signaux dits « faibles », précurseurs d’une détérioration de la qualité de sa relation avec le fonds ou de la qualité de sa gestion. Dans une de mes participations, un administrateur indépendant d’APIA avait alerté le conseil sur des signaux traduisant le déni de réalité du dirigeant face à un retournement de ses marchés, ce qui avait conduit au renforcement de la direction générale de l’entreprise.

  • Quel processus pourrait suivre France Invest pour aboutir des actions concrètes et des partenariats, en vue de la promotion de la gouvernance ouverte ?

BR : Association très engagée en matière d’ESG, France Invest a déjà beaucoup travaillé et mobilisé sa communauté sur les sujets de gouvernance. Nous avons même des engagements et nous suivons des indicateurs chaque année, et notamment sur l’item des administrateurs indépendants. En effet, dans le cadre de nos ambitions pour une gouvernance engagée, nous avons l’objectif, d’ici à 2030, que 90 % des entreprises accompagnées par nos adhérents comptent au moins un administrateur indépendant dans leurs instances de gouvernance. Nous en étions à 54 % fin 2022.

  • Pourrait-on envisager la constitution d’une base de ressources en ligne, disponible notamment sur le site de France Invest, qui assisterait les gestionnaires de fonds dans leur réflexion sur la gouvernance ouverte et le recrutement d’administrateur indépendant ?

BR : France Invest regroupe la quasi-totalité des sociétés de gestion actives en France (420 à date). Nous communiquons beaucoup avec nos adhérents et nous sommes probablement un des meilleurs points d’entrée pour relayer auprès d’eux des contenus à valeur ajoutée. Nous les réunissons souvent et, dans ce cadre, nous invitons régulièrement des tiers à venir s’exprimer et partager un thème d’actualité.

  1. Dans le cadre d’un éventuel partenariat avec des associations tierces, notamment spécialisées dans les questions de gouvernance, comment France Invest serait-elle prête à encourager le recrutement d’administrateur indépendant par des entreprises ayant ouvert leur capital à des fonds ? Comment lesdites associations partenaires pourraient-elles s’appuyer sur France Invest dans l’accompagnement à la recherche et la sélection d’administrateurs indépendants par les fonds ?

BR : Nos ambitions sont affirmées : passer de 54 % à 90 % d’entreprises accompagnées par nos adhérents qui ont fait appel à un ou plusieurs administrateurs indépendants. Notre communauté est sensibilisée et convaincue des vertus de cette pratique de gouvernance. Un renfort d’outils pratiques, guides, témoignages, invitations, présentation de profils sectoriels seraient certainement utiles. Le métier des fonds d’investissement évolue vers un accompagnement opérationnel renforcé, avec des compétences sectorielles de plus en plus pointues. Les administrateurs indépendants avec lesquels nous souhaitons travailler doivent s’inscrire également dans cette évolution.

Introduction

En PME patrimoniale, le fonds d’investissement reste un interlocuteur moins connu que le banquier ou l’expert-comptable :

  • Les opérations concernent souvent des premières ouvertures du capital à un tiers extérieur à la famille détentrice, ce qui renforce la dimension d’inconnu, de découverte, d’éventuels quiproquos … et d’opportunités.
  • Si introduire un fonds dans son tour de table n’est pas un acte de gestion banal, il devient fréquent : +/- 5% des entreprises de plus de 3M€ de CA accueillent chaque année et pour une durée de 5 à 10 ans un fonds dans leur tour de table.
  • L’arrivée d’un fonds d’investissement dans l’actionnariat d’une PME reste souvent vécue comme une révolution culturelle de grande ampleur. Parfois considérée avec méfiance, sous forme de contrainte, le dirigeant pourra même renoncer à franchir le pas, prenant là-aussi une décision lourde de conséquences.

Sans minimiser les risques inhérents à l’accueil d’un fonds d’investissement dans votre tour de table, l’objectif de cet article est de les relativiser, de voir tout le parti positif que vous pouvez en tirer, et surtout ce qu’il convient de mettre en œuvre, parfois au préalable, en termes notamment de bonnes pratiques et de gouvernance, pour sécuriser à la fois la famille détentrice et l’entreprise. Nous serons ainsi amenés à souligner le rôle de l’administrateur indépendant, avant, pendant, et au moment de la sortie du fonds.

Le fonds arrive souvent dans un contexte de rupture ou d’évolution, subie ou provoquée

Il existe d’excellentes raisons d’accueillir un fonds en PME : dans près de 60% des cas, il s’agit d’accompagner une transmission (donc changement de dirigeant, peut-être de nouvelles orientations, et aide à la constitution du tour de table du repreneur), et dans près de 30%, le fonds intervient dans le cadre d’un projet de développement qui nécessite des capitaux importants (croissance externe par exemple, un projet d’envergure qui va certainement impacter fortement le mode de fonctionnement de l’entreprise). Les autres cas (OBO Owner Buying Out)  et les situations de retournement (+/-1%) sont plus rares en PME.

A noter que dans bien des cas, le recours à un fonds est un des rares moyens de concrétiser les ambitions du dirigeant dans la conduite d’un projet structurant ou de grande envergure pour son entreprise. Une reprise d’entreprise comme un projet de développement sont rarement autofinancés, quasiment jamais financés exclusivement par endettement bancaire ou par un apport en capital des actionnaires en place et le recours au marché boursier est fermé aux PME.

L’appel aux ressources d’un fonds est donc bien souvent la seule solution pour garantir le développement et la pérennité de l’entreprise. Les alternatives s’appellent ici alliance entre pairs, concurrents, fournisseurs, avec également leur lot d’opportunités et d’incertitudes. En tout état de cause, ne pas prendre de décision signifie souvent pour le dirigeant se maintenir plus longtemps que souhaité, avec une envie entrepreneuriale et des réflexes qui s’amenuisent, ou louper le coche de la taille critique, du marché porteur ou de l’innovation, et donc perdre relativement en taille, en présence, voire en pertinence sur son marché, et à terme, disparaître. La décision est donc tout sauf anodine.

Un fonds d’investissement vous apporte certes des capitaux, mais ce n’est que la partie émergée de son action attendue

Tous les fonds sont apporteurs de capitaux, c’est certes un critère important, mais cela ne devrait pas être l’élément unique de différenciation, surtout dans un contexte APIA où nous jetons un regard spécifique sur la gouvernance. A ce sujet :

Le fonds apporte du capital immédiatement, selon les situations, il doit aussi être en mesure de le maintenir plus longtemps que les +/- 7 années « classiques », ou présenter une capacité à compléter son apport initial demain aussi. C’est notamment le cas des projets un peu tendus en termes de planning, « à étages », ou encore avec de grosses incertitudes sur la période de retour sur investissements. Un point à vérifier, donc.

Plus important pour le sujet qui nous intéresse, le fonds amène une nouvelle gouvernance. Ce sont :

  • Des règles (le pacte d’associés), qui déterminent les conditions de levée d’option, la sortie des associés, mais en ce qui concerne la gestion courante, les droits et obligations des associés et des dirigeants opérationnels (embauches, investissements, rémunérations, information préalable, reporting et comptes-rendus, etc.). Ici, il y a certainement un certain nombre de sujets dont la discussion est peu courante si le dirigeant décidait auparavant seul.
  • Des hommes, ceux qui seront vos interlocuteurs quotidiens et lors des conseils. Il y a lieu ici de se faire une idée des compétences dont vous avez besoin, du niveau souhaité, et surtout de l’intuitu personae que vous pourrez développer avec eux. Accordez ici une importance toute particulière à la capacité de vos interlocuteurs à gérer des situations de crise (quelles expériences comparables ?) … et à leur longévité dans le fonds.
  • Un nouveau rapport au temps : les conseils sont faits de récurrences des supports utilisés, de décisions, de planning d’exécution, de suivis de réalisations, de mise en évidence des écarts, autant d’éléments qui sont souvent traités de manière plus flexible en PME. C’est certes en rapport avec les objectifs de rentabilité et la durée de détention des parts de l’entreprise par le fonds, mais cela a un impact quotidien extrêmement marquant en PME.

De nouveaux outils de gestion, de nouvelles méthodes de management : le plan stratégique sur 3 à 5 ans (ambitions ressources, moyens, temps, concurrence, innovation) ainsi que la procédure budgétaire structurée font souvent leur apparition en PME avec le fonds. Il en va de même de formulaires de reporting parfois détaillés, et dont on imagine qu’ils ne sont pas que financiers (analyses de marges, de mix produits, écarts volumes, prix, etc.). Sans oublier des décisions parfois dures : recadrage, changement d’équipe, etc.

Tous ces éléments peuvent être vécus comme « hors sol » et du pur domaine du conseil d’administration. Ce serait une grave erreur. Ils représentent certes des contraintes, mais ce serait multiplier les contraintes que de réduire leur utilisation au seul conseil, et en plus priver l’entreprise d’un effet de levier certain en termes de diffusion des outils de gestion, des bonnes pratiques de management et de gouvernance, d’appropriation et de partage des objectifs stratégiques, et enfin d’unicité de la mesure de la performance.

Face à toutes ces nouveautés, la question essentielle en tant que dirigeant nous semble être celle de la meilleure préparation et organisation de ma société à l’introduction et l’appropriation de l’ensemble de ces nouveautés, afin d’en tirer le meilleur parti avant, pendant, et après la présence du fonds d’investissement dans l’entreprise.

Le défi : tirer le meilleur parti de l’arrivée et de la présence d’un fonds d’investissement à travers le rôle de l’administrateur indépendant

Sans surprise, nous avons tendance à considérer la présence d’administrateurs indépendants au sein du conseil avant l’arrivée du fonds d’investissement comme un préalable hautement recommandable, et comme une jolie manière de préparer l’arrivée du fonds :

  • L’administrateur indépendant aura probablement déjà suggéré l’introduction d’un certain nombre de pratiques de gouvernance et de structuration / diffusion de l’information qui iront dans le sens de ce qui sera réclamé par le fonds d’investissement. Il aura également familiarisé le dirigeant à travailler en présence d’un tiers dans un climat de bienveillance.
  • Il sera un allié précieux pour le dirigeant au moment des discussions avec les fonds d’investissement, de leur évaluation et de la rédaction des clauses du pacte d’associés. Dans la mesure où l’intégration d’un fonds était envisagée, l’habitude de l’administrateur indépendant de travailler dans cet environnement serait d’ailleurs un critère de recrutement important.
  • Et enfin, sa seule présence vous incitera et donnera du poids à votre requête vis-à-vis du fonds de prolonger le statu quo et d’intégrer des administrateurs indépendants dans votre nouveau conseil élargi. C’est pour vous une garantie supplémentaire que le Conseil sera un véritable conseil (ni un simulacre formel, ni un strict reporting financier), et que l’intérêt social de l’entreprise y sera représenté, spécialement en période de crise. C’est également un des moyens d’éviter le face à face parfois figé entre le fonds d’investissement et un patron qui n’avait pas toujours l’habitude d’un partage du pouvoir et de l’information Cela permet de débloquer des situations qui pourraient sinon tourner à l’affrontement stérile, de trouver des voies consensuelles médianes.

Pendant toute la durée de la présence du fonds d’investissement au conseil, l’administrateur indépendant contribuera à la bonne marche du conseil :

  • En en faisant un véritable outil de gouvernance, en en définissant avec soin le périmètre humain, en en précisant les champs de compétence (revue, prospective, questionnements stratégiques…), ainsi que la fréquence (plusieurs fois par an, possibilité de conseils extraordinaires en cas de besoin, souplesse et disponibilité des administrateurs pour répondre aux questions du dirigeant dans une posture d’alter ego non opérationnel). Par-delà les ruptures avec la situation antérieure, les changements culturels et éventuelles incompréhensions initiales, il n’y a dans ces conditions aucune raison que le Conseil ne soit rapidement reconnu par le dirigeant comme un des outils qui lui manquait dans sa chaîne de gouvernance.
  • Au-delà de la simple activité au sein du conseil, l’administrateur indépendant peut également veiller à diffuser les bonnes pratiques du conseil vers le reste de l’entreprise : on a déjà évoqué les documents supports : compatibilité, porosité des outils de gestion, utilisés au quotidien dans l’entreprise, repris en synthèse dans les réunions du conseil. Mais cela va au-delà : Transparence, collégialité des discussions, respect des procédures prévues au pacte d’associés. Un dirigeant « plutôt solitaire » dans sa prise de décision peut ainsi, sous l’influence de son conseil, devenir plus participatif dans sa gestion quotidienne, au grand bénéfice de sa gouvernance, et de l’intérêt social de l’entreprise.
  • En situation de crise, l’administrateur indépendant sera également présent pour rappeler l’intérêt social de l’entreprise, parfois négligé entre les exigences de rentabilité du fonds et le double rôle du dirigeant actionnaire.

Au moment de la sortie du fonds d’investissement : là aussi situation nouvelle pour une entreprise patrimoniale : la présence de la famille dans le capital se compte souvent en générations, et un des actionnaires, le fonds d’investissement, n’y est entré qu’avec la volonté affichée d’en sortir au bout d’une période limitée d’environ 7 ans. C’est dire combien il convient d’être conscient de cette différence d’alignement, de temporalité, d’en anticiper les effets, et de préparer soigneusement la sortie du fonds. L’administrateur indépendant peut largement faciliter la transition à ce moment crucial dans la vie de l’entreprise :

  • Le fonds sortira au moment qu’il jugera opportun, et selon des modalités généralement fixées dans le pacte d’actionnaire. Elles peuvent en revanche ne pas correspondre au moment idéal pour l’entreprise, et si les modalités de valorisation sont en principe fixées, le profil du successeur ne l’est en général pas.
  • L’administrateur indépendant peut ici jouer sur trois registres : anticiper un besoin de liquidité au moment de la sortie du fonds, et contribuer à lui trouver des solutions (baisse du pourcentage de détention du successeur par rachat de parts par les détenteurs historiques, discussions très en amont avec des candidats potentiels à la succession, rappel de l’intérêt social de l’entreprise.
  • Il contribuera à mettre en garde contre des solutions qui feraient rentrer un nouveau partenaire non souhaité (concurrent, client…) ou dont les objectifs ne seraient pas alignés avec ceux des actionnaires historiques.

Conclusion

Nous avons identifié le recours à un fonds d’investissement comme un des moyens de répondre à certains défis de l’entreprise, transmission, développement. Mais nous avons aussi vu combien le rôle bien compris d’un fonds pouvait profondément et durablement impacter sur la gouvernance de l’entreprise, en transformant une gestion parfois très solitaire du dirigeant en un modèle plus ouvert, plus participatif, et certainement plus résilient. Une telle évolution suppose des qualités rares à la fois chez le fonds et chez le dirigeant, qualités d’ouverture, d’ambition, de remises en cause. Nous avons également vu combien l’administrateur indépendant peut contribuer à rendre apaisée la venue d’un fonds d’investissement, ses interactions dans l’entreprise tout au long de sa présence, et enfin sa sortie. Le rôle de « vigie » de l’administrateur indépendant prend ici tout son sens, dans le contexte bien particulier du travail avec un fonds d’investissement.

Emmanuel Bonnet

Le développement de l’entreprise à l’international est au cœur de la réflexion stratégique du chef d’entreprise. C’est un sujet pour la gouvernance ! Pourquoi et comment une bonne gouvernance peut aider le dirigeant ? Après une brève introduction de Nathalie Clère, qui vous permettra remettre en contexte les principaux enjeux, deux dirigeants et des administrateurs partageront leur expérience de la gouvernance sur cette question.

Quels étaient les objectifs poursuivis par l’entreprise ? Quelle influence sur leur stratégie d’entreprise ? Comment se sont-ils préparés ? Comment ont-ils appréhendé et anticipé les risques ? Quels ont été les difficultés majeures, les choix difficiles ? Comment leur gouvernance les a aidés ? Quels bénéfices pour l’entreprise ? Quels écueils éviter ?

Intervenant(s)

Nathalie Clère, Présidente – APIA Méditerranée
Olivier Bédat, Ancien PDG – 5àsec
Arnaud Thiollier, Fondateur et dirigeant – Babymoov
Isabelle Capron, Administratrice Indépendante – APIA
Jacques Béraud, Administrateur Indépendant – APIA
Jacques Solleau, Directeur Capital Développement – Bpifrance

Le replay du webinaire et les slides sont accessibles dès à présent sur Bpifrance Université. 

Voici le lien vers la fiche descriptive, sur le site internet, qui donne un premier aperçu, pour les non-inscrits à la plateforme : https://www.bpifrance-universite.fr/formation/au-coeur-de-la-gouvernance-des-pme-eti-le-developpement-international/

Et voici le lien direct sur la plateforme de formation, qui nécessite de se créer un compte (gratuit) et/ou de s’identifier : https://universite.bpifrance.fr/Catalog/training/754607

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